Le procès Céline

 

Céline à Copenhague (1947)

 

  Céline, qui s'était réfugié avec son épouse Lucette peu avant la chute du Troisième Reich au Danemark, est arrêté à Copenhague où il se cachait en décembre 1945. 

   La France ne parvenant pas à obtenir son extradition (que Céline fait bien évidemment tout pour éviter), son procès se prépare sans lui et a donc lieu par contumace. Conformément à l'article 75 du Code Pénal en vertu duquel il est poursuivi, il risque la peine de mort pour "trahison". Céline répond aux accusations par écrit et sa position est claire : il nie en bloc tout ce qui lui est reproché, il n'était en rien mêlé à quoi que ce soit sous l'Occupation : 

"Dès l'arrivée des Allemands je me suis complètement désintéressé de la question juive (...). Je ne me souviens pas d'avoir écrit une seule ligne antisémite depuis 1937. (...) Les Juifs devraient m'élever une statue pour le mal que je ne leur ai pas fait et que j'aurais pu leur faire. Eux me persécutent, je ne les ai jamais persécuté ( sic ) . Le démocrate dans toute cette affaire, impeccable, c'est moi" ( Cahiers Céline, n°8, p.245-258)

ou encore, en 1950, lors de son procès : 

"Je me suis fait tous les ennemis possibles dans les milieux de la "collaboration" par mon acharné, janséniste patriotisme. (...) La presse de la collaboration a passé son temps à publier de mes fausses lettres, malgré toutes mes défenses et démentis ! (...) Je ne suis qu'un patriote, trop patriote, qu'on persécute, c'est tout." ( Cahiers Céline, n°8, p.313-324)

   Céline a de plus la grande délicatesse de rejeter la responsabilité d'une bonne partie des faits qui lui sont reprochés sur son ancien éditeur, Robert Denoël, en particulier en ce qui concerne la réédition de ses pamphlets. Il faut dire que celui-ci a été abattu à la Libération et qu'il ne peut donc bien évidemment plus se défendre. 

   Le verdict est rendu le 21 février 1950. Aux deux questions  : "Louis-Ferdinand Céline (...) est-il coupable d'avoir en France, de 1940 à 1944 (...) sciemment accompli des actes de nature à nuire à la Défense nationale ?" et "L'action (...) spécifiée sous la question numéro un a-t-elle été commise avec l'intention de favoriser les entreprises de toutes natures de l'Allemagne puissance ennemie de la France ou de l'une quelconque des Nations alliées en guerre contre les puissances de l'Axe ?", la Cour répond, à la majorité des voix  : OUI. Céline est donc reconnu coupable des faits qui lui sont reprochés. Ses faits d'armes, en tant qu'ancien combattant de la Grande Guerre (d'où il est sorti mutilé à 75% et décoré), lui permettent de bénéficier d'une relative indulgence. D'autre part, son procès a lieu relativement tard : les passions déchaînées par la fin de l'Occupation (celles qui ont conduit Robert Brasillach au poteau d'exécution) se sont apaisées ; un grand nombre de collaborateurs condamnés à mort pour trahison ont été graciés et un large mouvement d'opinion au sein de la population réclame la libération du maréchal Pétain. Céline se voit néanmoins condamné à un an d'emprisonnement et à cinquante mille francs d'amende. Il est en outre déclaré en état d'Indignité Nationale, et ses biens lui sont confisqués de moitié. On est loin ici du dossier "vide", ou "pratiquement vide", annoncé par Lucette Destouches, Lucien Rebatet (condamné à mort puis gracié en 1947), ou encore Marcel Aymé (à noter que ce dernier n'a jamais été inquiété à la Libération). 

    Mais Céline a la chance d'avoir un avocat rusé, Maître Jean-Louis Tixier-Vignancour (ancien vichiste et candidat de l'extrême droite aux élections présidentielles de 1965). Ce dernier obtient son amnistie le 6 décembre 1951 en trompant le président du Tribunal, ainsi qu'un officier supérieur du Tribunal militaire sur l'identité réelle de son client. Céline, qui n'a désormais plus de comptes à rendre à la Justice de son pays, peut rentrer en France. 

 

Jean-Louis Tixier-Vignancour (ici avec Céline)
"Tixier-Vignancour, c'est Vichy, la Collaboration fière d'elle-même, la Milice, l'OAS" (Charles de Gaulle)

 

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UNE ATTITUDE TOUJOURS TROUBLE